Il y a un vieil adage qui dit des gens comme moi qu'ils sont nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Je l'entends souvent murmurer sur un ton médisant derrière mon dos. Les mauvaises langues vous diront que je ne suis encore qu'une petite-fille gâtée.... Ils n'ont sans doute pas tord, j'en ai bien conscience. J'ai toujours vécue dans le luxe, dès le ventre de ma mère, je ne connais rien d'autre. Ma mère était ce que l'on nomme une femme du monde, une de celle, belle, flamboyante et rieuse qui paraît au bras de son mari éminent avocat pendant les bals et réceptions avec des superbes toilettes. Je suis leur fille cadette, venue au monde après deux fils. C'est sans doute pour se consoler de n'avoir trouvée aucun lien pour se rapprocher de ses deux enfants mâles que ma mère me céda tout mes caprices. Comme mon père, dont j'étais la petite princesse. Oh, n'allez pas croire qu'ils étaient présents pour moi, ils avaient chacun bien mieux à faire que de pouponner un nourrisson. Non, leur amour se manifestait surtout par des cadeaux hors-de - prix qu'ils m'envoyaient chacun tous les mois. Je n'en souffrais pas, pour moi, c'était normal. Mes frères avaient été envoyer en internat dès leur plus jeunes âges, moi, en tant que fille, j'eus le privilège de demeurer à la maison avec Nanny. Nanny est ma gouvernante, elle s'est occupée de moi dès ma naissance. Les rares fois où je voyais ma mère, elle me racontait en riant que deux heures après ma naissance, ce fut Nanny qui me pris en charge alors qu'elle se lançait dans un régime pour perdre le poids dû à sa grossesse.

Nanny fut comme une mère pour moi. Toujours présente, aussi bien pour me choyer que pour me gronder, elle m'éduqua. Hélas pour elle, puisque j'avais tout ce que je désirais en le demandant, je demeurais une petite fille pourrie gâtée. Ravie de ses belles robes, de ses rubans, de sa chambre qui changeait de décoration au grès de ses envies... Mais j'étais aussi la petite - fille qui ne pouvait dormir sans une de ses histoires jusqu'à ses douze ans, celle qui faisait des pâtisseries avec elle, qui danser et chanter à tue-tête avec elle pendant qu'elle faisait un brin de ménage... Bref, sans doute est-ce grâce à elle que je ne suis pas devenue totalement un robot aseptisé ne pensant que toilettes et bijoux. Elle m'éleva donc et même si elle ne put totalement brider le joug qu'avec la richesse sur moi, nous fûmes comme mère et fille. Elle me guida de son mieux, me protégea et se chargea de veiller sur mon éducation. Les études n'étaient pas vraiment mon fort, non pas que je ne sois pas intelligente, au contraire, mais plutôt parce que cela m'ennuyer. Petite fille déjà, je préférais aider Nanny à se coiffer, à se vernir les ongles, à choisir ses vêtements.... J'aimais rendre les gens beaux, cela n'a guère changer au fil des années.


L'adolescence arriva et je gagnais en beauté, ce qui me valu un peu plus d'attention de la part de mes parents. Après tout, il valait mieux avoir des enfants beaux lorsque ces derniers seraient à jamais figer dans la fleur de l'âge, non ? On ne peut pas dire pour autant qu'ils devinrent des parents poules mais pendant leurs voyages, je fis partit des bagages. Ainsi que Nanny, bien sûr. Dès lors, je découvris l'Angleterre, le Canada, le Japon, l'Inde, l'Afrique du Sud, l'Australie..... Tant de pays merveilleux qui n'étaient que des étapes pour les affaires de mes parents mais pour moi, l'occasion de découvrir des nouvelles méthodes d'esthétique. Nanny avait réussi à me faire comprendre que j'étais intelligente, assez pour chercher mon indépendance en travaillant. Ma paresse naturelle, du moins celle inculquée par mes parents, ne me pousser pas à l'effort mais l'idée d'avoir un établissement à moi pour rendre les femmes belles... Ca me plaisait. Je voulais qu'il soit accessible à tous, les gens comme Nanny aussi bien que ceux de mon monde. La beauté, c'était l'affaire de tous, non ? Alors, patiemment, à chaque voyage, je m'arrangeais pour poursuivre mes études d'esthétique et je collectais des informations sur les différentes pratiques des pays que je visitais.... Pourtant, lors de mon voyage en France, mon carnet dormit au fond de ma valise. Même Nanny ne trouva rien à redire là-dessus, se contentant de me regarder faire avec le sourire aux lèvres. Ce fut en France, à Paris, que je croisais mon premier amour. Derek Dulac. Il était beau, grand, les yeux bleus et avait cet accent français qui sut me charmer. Comme moi, il était passionné par les belles choses et il me fit découvrir la ville de Lumière.

Bien vite, cela fut plus qu'une simple amitié ou même une amourette entre nous. Il fut le premier homme de ma vie, le vrai, celui qui prit ma virginité. Nous parlions même de nous marier et de faire notre vie ensemble.... Jusqu'à ce que le rêve se brise et que je fus obliger de retourner aux Etats-Unis, soi-disant pour la rentrée scolaire. Ce que je ne sus jamais, c'est que mon père et ma mère avaient eu vent de notre histoire et de nos projets. Jugeant Derek trop pauvre pour moi, ils firent en sorte de m'éloigner de lui en me mettant dans le premier avion le lendemain matin. Je n'ai jamais pu lui dire au revoir et les mails, lettres, sms que j'ai pu lui écrire ne reçurent jamais de réponse. Encore une fois, je ne sus jamais que mes parents avaient fait en sorte de plonger les parents de Derek dans une détresse financière. Pour s'en sortir, ils acceptèrent d'empêcher leur fils d'avoir le moindre compte avec moi. Moi, je dus survivre avec le cœur brisé. Malgré tout les bons soins de Nanny, je me réfugiais dans ce que je connaissais le mieux : le luxe et l'égoïsme. J'abandonnais même mes études, recevoir des soins me convenaient au final mieux que de devoir faire preuve de patience et de douceur avec des clientes.


Le cœur en miette malgrè les années, je sombrais peu à peu dans une douce superficialité : soins, spa, soirée mondaine... Moi qui m'étais promis d'être moi- même, je devenais le reflet de ma mère. Même Nanny ne parvient pas à me ramener sur la voie de la raison. Il faut dire qu'à l'âge de vingt-quatre ans, j'étais occupée à préparer mes noces plus qu'autres choses. C'était l'occasion de me faire plaisir, encore une fois. Trois années plus tôt, j'avais fait la rencontre de Christopher lors d'une soirée qui réunissait nos parents. Nous nous étions trouvés quelque points communs et au fur et à mesure, nous finîmes par nous dire que nous marier serait une bonne idée. Je ne l'aimais pas vraiment, je n'en étais plus capable, mais je voyais mes amies se mariaient et avoir des enfants, l'envie me prenait de le faire aussi. Je ne voulais pas finir vieille fille car si ma beauté serait éternelle grâce au temps, être pointée comme l'éternelle célibataire ne me plaisait pas. Et puis Christopher était riche, ce qui m'assurait un train de vie identique à celui que je connaissais. Nous nous mariâmes donc, en grande pompe : robe de princesse, décors de contes de fées, voyages de noces dans une île paradisiaque... La lune de miel dura longtemps, j'étais couverte de cadeau en tout genre et mes amies ne cessaient de se dire jalouse de temps d'attention. En vérité, je ne m'intéressais que très peu à Christopher dans le fond. Il était mon époux mais... Nous vivions plus comme des colocataires. Le sexe en plus.


Je continuais à poursuivre ma routine sans me poser de questions sur ce que mon époux faisait dans son coin. Je suis loin de me douter qu'il couche à tout va avec de nombreuses jeunes femmes. Pour moi, nous nous retrouvons le soir dans notre maison parfois pour coucher ensemble, d'autres fois pour parler sans entrain de nos projets de vacances ou autre.... Cette vie sans reliefs n'est sans doute pas celle que désirait la petite - fille que je fus un temps, rêvant de prince charmant et de chevaliers blancs. Mais je m'en contente, sans me poser de questions....

Sauf depuis quelques mois.... Il y a exactement six mois, neuf jours et trois heures, Nanny, ma chère gouvernante et mère de remplacement est morte, faute de temps. Je ne sais pas exactement comment mais je sais qu'elle m'a laissée une lettre. L'enveloppe, que j'ai reçu de sa jeune sœur à son enterrement, dort toujours dans ma boîte à bijoux, je suis incapable d'y penser sans pleurer. La mort de Nanny m'a poussée à réfléchir sur moi, à me demander si réaliser mes rêves d'adolescente ne serait pas mieux. Mais à nouveau, tout vol en éclats avec l'arrivée de Derek en ville. Moi qui croyais l'avoir oublier... Mon cœur saigne de nouveau et je me plonge à nouveau dans les délices faciles de ma vie superficielle.